ADIEU à …

JEAN SCHNEIDERLIN

Tu nous as quittés trop vite Jeannot sans nous laisser le temps de te revoir une dernière fois. Ne serait-ce que pour te remercier encore d’avoir été un des solides fondements de notre petite entreprise qui ne couvrait que quelques ares dans les jardins des Boulots en 1960 lorsque tu y es entré pour la première fois.
Tu as fait partie des pionniers de l’aventure CATTINAIR avec ton ami Paul et mon frère Yves. Tous les TROIS, engagés involontaires dans de douloureuses épreuves en Afrique du Nord, vous avez dû affronter le crapahutage dans les Aurès, le sifflement des balles et la peur au ventre. Le challenge qu’on vous offrait, modestement rétribué, ne pouvait être pire et l’amitié qui vous liait depuis l’enfance devait combler les lacunes et le stress des premiers chantiers.
Car c’est en tant que monteur itinérant que tu as été embauché et que tu as suivi ton ami Yves. Il avait déjà de l’entraînement et évoluait dans l’espace avec aisance en tirant des cyclones et des tuyauteries par des cordes et en grimpant sur les toits en rappel. Alors tu l’as suivi en peinant un peu quelquefois mais sans jamais te plaindre. Au contraire, lorsque les autres monteurs pestaient de temps à autre contre les avatars inévitables, le mauvais temps ou les clients trop exigeants, tu avais des répliques percutantes qui crevaient l’abcès et réchauffaient l’atmosphère.
Et puis l’entreprise a grandi, les équipes de montage se sont renforcées. Soulagé, tu as pu te charger de la formation des premiers tôliers soudeurs dans notre modeste hangar de 300m2, embryon de notre futur atelier de fabrication. Un poste qui convenait parfaitement à tes compétences. Mais les élèves n’étaient pas toujours doués et notre bureau d’études en herbe -avec André- devaient devancer des idées qui ne manquaient pas. L’ébauche des prototypes de nos futurs appareils donnait des résultats qui n’étaient pas toujours à la hauteur de nos ambitions naissantes.  Là encore j’ai le souvenir de ta bonne humeur communicative : tu sifflais et fredonnais des airs de java lorsque la température montait anormalement dans l’usine ou le bureau.
Car tu étais aussi mélomane et musicien doué : tes airs de saxo joyeux ont égayé nos rencontres festives, séminaires, anniversaires, réceptions de clients ou réunions d’amis complices. Chaque fois que nous avions besoin d’un défoulement passager pour oublier un échec ou fêter une victoire, tu répondais présent et animais la soirée de tes envolées musicales accompagnées d’anecdotes croustillantes. Toujours partant, disponible, participant efficace, tu savais aussi t’effacer et faire preuve d’abnégation. Collaborateur consciencieux, tu avais une écriture limpide, ce qui est rare de nos jours, une bonne mémoire et un sens relationnel élevé. Enfin, toujours levé avant l’aube, ton bureau brillait déjà d’un vif éclat dans le champ des Boulots lorsque ma voiture arrivait sur le parking…
Car je suis fier de pouvoir le rappeler ici, devant tes parents et amis réunis : Un clin d’œil du destin avait récompensé les efforts de notre « Jeannot » en révélant une facette méconnue de ton talent. Nous ignorions alors que tu étais un excellent vendeur et un bon organisateur. Au cours des années 70, l’unique  bureau d’études de la rue des Boulots craquait sous l’avalanche de projets en souffrance par manque de techniciens. Et les commerciaux pressés par leurs clients étaient sollicités sans cesse pour quelques fournitures et de petites interventions. Tu as pris en charge tous les appels qui ne nécessitaient pas de dessinateur chevronné, de plan précis ou de devis détaillé pour les soulager. Avec la multiplication des agences, ton service « Hors Circuit » prit de l’ampleur à notre grande satisfaction car les clients appréciaient tes réactions rapides, la compétence et le ton aimable des entretiens téléphoniques, la ponctualité des livraisons et des interventions.
Tu es devenu «  J.S. » dans notre système de communication et tu nous as bluffé : Créateur et patron du service « CAT’EXPRESS » tu assumeras un Chiffre d’affaires surprenant  et de surcroit, tu participeras aussi activement à la réputation de qualité de notre Service Après-Vente. C’est que tu avais su attirer et former des éléments sérieux, une équipe gagnante dans la bonne humeur et une ambiance conviviale : Alain, Elisabeth, Jocelyne, Laurence, Eric et enfin Marc avec lequel tu as su préparer ta succession dans les meilleures conditions.
Tu as pris alors ta retraite sans joie. Tu revenais souvent de Mathay à Pont-de-Roide pousser la porte de « ton » bureau pour t’assurer que tout allait bien… Tu ne manquais pas d’amis mais d’activité. Il y avait bien les boulistes et les musiciens… Il y avait surtout et heureusement tes enfants qui avaient besoin de toi. Car parallèlement à ta vie professionnelle, tu avais pris en charge une nombreuse famille avec Maria-Pilar, ton admirable épouse et maman méritante, et tu en as assumé l’heureuse destinée avec affection et générosité. Ils peuvent être fiers de toi, comme le sera plus tard ton petit Nathan…
Je pleure aujourd’hui avec eux, avec mon frère et les anciens de CATTINAIR !

Gabriel CATTIN

A Mathay,  le 26 octobre 2011